05/01/2014

Noël en Islande - Jól ou la famille terrible

((Article paru sur le site du journal Le Pourquoi pas en décembre 2013.)) 

A l'approche des fêtes, et puisque c'est un moment si important pour les Islandais, découvrons leur façon de fêter Noël et le jour de l'an dans le grand grand froid ! Vous l'ignorez peut-être mais la tradition de Noël là-bas n'a pas beaucoup de rapport avec la notre, excepté l'aspect festif et les cadeaux. Par exemple, zéro père Noël. A la place un personnage inquiétant (et toute sa famille!!) qui m'aurait fait frémir si j'avais été enfant sur l'île.
Avant d'entrer dans les détails, rapprochons-nous un peu de l'Islande pour bien comprendre en quoi Noël y est une fête vraiment sacrée.

Photo de Bergþóra Jónsdóttir

D'abord imaginez qu'il fait nuit tout le temps, et que la neige recouvre le pays, mais quand je dis la neige attention, ce n'est pas les quinze petits centimètres qui nous empêchent d'aller travailler ou de nous rendre à l'école. Non, il s'agit plutôt de tempêtes de neige qui peuvent se déclencher à n'importe quel moment car la météo islandaise est très changeante et capricieuse et il peut y avoir jusqu'à 1,50 mètre de poudre blanche! Pourtant, les Islandais sont habitués à ce climat et ça ne les empêche pas d'avoir une vie normale, avec toutes leurs activités. Mais Noël, Jól ou Yule et ses lumières restent selon les mots d'une Islandaise, une « bouffée d'air frais » au milieu de la grande nuit.

A l'origine, avant que le christianisme ne s'implante en Islande, Jól était une fête viking qui célébrait le solstice d'hiver et l'inversion de la course du soleil, annonçant l'allongement des jours. Les Vikings fêtaient cette période de l'année avec beaucoup beaucoup d'alcool et de danses, et ces festivités duraient des jours et des jours.
Maintenant, Jól est devenu une fête familiale: chacun décore sa maison avec beaucoup de soin, guirlandes lumineuses à l'extérieur et sapin à l'intérieur sont de rigueur. Des concours sont lancés pour déterminer qui a la plus belle décoration! Des gâteaux typiques accompagnent cette période, dont le fameux laufabrauð, une pâte fine et croustillante à partager avec tout le monde.
Il existe aussi des chants et musiques spécifiques à cette période que l'on écoute à partir du 1 décembre (mais ma source Islandaise affirme qu'il y a beaucoup de tricheurs qui les diffusent avant cette date!).
Jusqu'ici, à part le climat, vous devez vous dire qu'il n'y a pas beaucoup de différence avec notre façon de fêter de Noël. Mais j'y viens.

Imaginez que les Islandais n'ont pas de Père Noël, ni même de Saint Nicolas. A la place de ses personnages sympathiques qu'on cherche tous à rencontrer quand on est enfant, les têtes blondes d'Islande grandissent avec une certaine Grýla, et si vous vous dîtes qu'une Mère Noël c'est encore plus cool qu'un vieux barbu, détrompez-vous vite. Grýla est une ogresse géante qui vit dans les montagnes islandaises et dont le plat préféré n'est autre que le ragout d'enfants. A la période de Noël, elle descend dans les plaines à la recherche des bambins qui n'ont pas été sages dans le but de les dévorer. Et contrairement à notre Père Noël dont on ne sait pas grand chose, et qui a tout l'air d'être un éternel vieillard rebondi qui ne change même pas d'habits et qui a zéro vie en dehors de distribuer des cadeaux aux enfants, Grýla est le personnage de nombreuses histoires, elle a eu plusieurs maris dont les noms sont connus des Islandais, et elle vit dans une caverne que l'on peut situer géographiquement sur l'île, quoique ce dernier élément n'ait pas pu être vérifier pour de bon.
En fait, Grýla, comme la plupart des êtres légendaires d'Islande se voit dotée d'une vie propre, et plusieurs histoires raconte sa mort dans différentes circonstances, le « plausible » et le fantastique se mélangeant sans problème dans le folklore islandais.
Petite anecdote, à une époque Grýla effrayait tellement les enfants que le Parlement avait interdit aux adultes de les menacer avec ce personnage (comme on peut le faire en France, « si t'es pas sage le Père Noël ne t'apportera pas de cadeaux cette année! »).

Grýla est aussi la mère de personnages très très importants pour les enfants islandais, les treize lutins de Noël, les Jólasveinar . En fait si Jól est bien célébré le 24 décembre au soir, il faut considérer que là-bas, c'est une fête qui se déroule sur plusieurs semaines, car les treize lutins débarquent un à un dans les maisons islandaises pour distribuer des petits cadeaux aux enfants, et faire le maximum de bêtises possibles. Et si vous n'avez pas été sages, tout ce que vous récolterez dans les chaussures que vous aurez pris soin de mettre à votre fenêtre, ce sera une vieille pomme de terre rabougrie!
Voici les informations que j'ai pu trouver sur ces êtres vivants dans la montagne bleue (Bláfjöll), descendants des trolls, et dont les noms sont significatifs des habitudes malicieuses:


Le 12 décembre, c'est Stekkjarstaur (Jambes raides) qui descend de la montagne en premier. Il se glisse dans les bergeries et rend les moutons fous en essayant de traire les brebis dont le lait est plus que rare en cette saison. Il met une belle pagaille dans les troupeaux!
Giljagaur (Lutin de ruisseau) descend le 13 décembre et s’introduit dans les laiteries pour voler la crème du lait de vache dont il raffole.
Stúfur (Court sur pattes) qui arrive le 14 décembre gratte les fonds de poêles pour en extraire les restes et les manger.
Þvörusleikir (Lécheur de cuillères en bois) se glisse dans les cuisines et lèche les cuillères en bois qui ont servi à touiller la nourriture. On lui pardonne car c’est le plus maigre des treize Jólasveinar.
Pottasleikir (Lécheur de casseroles) vient lécher les casseroles et les marmites le 16 décembre. Pas besoin d'éponge avec lui, tu peux directement ranger ta vaisselle dans les placards après son passage.
Askasleikir (Lécheur de gamelle) est un lécheur de gamelle. Il se cache sous les meubles le 17 décembre et vide tout bol de nourriture déposé par terre pour le chien ou le chat.
Hurðaskellir, (Claqueur de porte) fait un boucan d’enfer dans la nuit du 18 décembre et empêche tout le monde de dormir.
Skyrgámur (Goinfreur de skyr) qui descend de la montagne le 19 décembre aime tellementt le Skyr (fromage blanc islandais) qu’il en mange à s'en faire éclater la panse.
Bjúgnakrækir (Voleur de saucisses) quant à lui adore les saucisses. Il engloutit toutes celles qu’il arrive à attraper le 20 décembre.
Gluggagægir (Curieurx voyeur) est tellement curieux qu’il épie par la fenêtre l’intérieur des maisons et s’empare des jouets qu’il trouve jolis.
Gáttaþefur (Renifleur aux portes) le lutin du 22 décembre, a un gros nez et renifle sous les portes. Il adore l’odeur des gâteaux de Noël. S’ils sentent bons, il tentera d’en chiper un ou deux.
Ketkrókur (Crocheteur de viande) le 23 décembre étant le jour où l'on prépare le mouton fumé en Islande, ce jólasveinar essaie d’attraper des morceaux de viande par la cheminée avec un crochet.
Kertasníkir (Voleur de bougies) est le dernier des lutins et c’est lui qui souffle toutes les bougies le soir du réveillon pour plonger la maison dans le noir pendant que les parents disposent les cadeaux sous l’arbre de Noël.
Ces êtres gourmands et farceurs sont accompagnés d'un chat terrible, Jólaköttur (Chat de Noël), qui, le 24, enlèvent tous les enfants qui ne portent pas de vêtement neuf. Les Islandais ont donc pour habitude de recevoir au moins un vêtement dans leurs cadeaux.

Le 24 décembre se déroule avec la famille proche, on mange du mouton fumé ou du rôti de porc également fumé, et les enfants reçoivent les cadeaux de leurs parents: pas de mystère sur leur origine, on a bien compris que ce n'est pas Grýla ou son infâme époux tout mou, Leppalúði qui sont supposé offrir quoique ce soit aux enfants.
Le 25 décembre, on reçoit la famille élargie, puis le 26 est consacré aux amis, on danse, on fait la fête.
Pendant tout ce temps, chaque lutin repart tout à tour vers la montagne...
Le 31 est une nuit magique pleine de légendes farfelues. C'est une nuit durant laquelle les vaches se mettent à parler, les phoques se transforment en humain, et les elfes déménagent. Les morts sortent de leur tombe et vont se promener, et les humains tirent des feux d'artifices.
Enfin, le 6 janvier est le dernier jour de Jól, et les Islandais font de grands feux de joie et festoient encore une fois avec les feux d'artifice restant (du 31!) avant d'entrer définitivement dans la nouvelle année.

Si ces légendes viennent apparemment du fin fond des âges, elles n'en restent pas moins très prégnantes dans les esprits islandais, et les médias relatent durant toutes cette période les méfaits des Jólasveinar. Loin d'être des récits uniquement destinés aux enfants, les légendes s'enrichissent selon les époques, comme le montre de tous nouveaux lutins, le très moderne Kortaklippir, le Coupeur de carte bleue qui viendra saisir la votre si vous dépensez trop d'argent et un autre larron, Faldafeykir, le souleveur de jupes qui aime se balader les nuits venteuses...
Attention donc si tous ces joyeux personnages se décident un jour à envahir l'Europe continentale! Vous êtes prévenus !!

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