03/01/2014

La part de l'autre

Article du 03 septembre 2013

(L'article du dernier Feather. Sur ce bouquin qui m'avait tenu en état d'alerte deux jours durant.)


Qui n'a pas rêvé de changer l'Histoire ou de transformer sa destinée ?

Avant de lire La Part de l'autre d'Eric-Emmanuel Schmitt, je ne connaissais de lui que Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran et le film tiré d'une de ses nouvelles, Odette Toulemonde. J'avais été séduite par la fraîcheur de ces histoires légères-profondes, comme des contes d'aujourd'hui qui donnent à réfléchir et à rêver.

J'étais donc curieuse de savoir comment cet auteur francophone contemporain allait traiter un sujet toujours sensible et des plus noirs : la Seconde Guerre Mondiale et son personnage principal, Hitler.

La première phrase du livre : « Adolf Hitler : recalé.» donne tout de suite le ton. Schmitt ne va pas nous parler d'Histoire et de combat, mais d'un personnage-Hitler, l'entité qui représente bien sûr tout ce qu'il y a de plus sombre pour les lecteurs d'aujourd'hui. A ce mauvais Hitler, il oppose une figure positive, un Hitler-peintre qui aurait trouvé sa voie, - une autre voie.

Voilà la question centrale de ce livre, qu'est-ce qui, dans l'histoire personnelle de chacun, peut nous pousser à devenir bon ou mauvais, qu'est-ce qui va déterminer nos actes et ce que nous sommes ?

Le livre nous emporte -de causes en conséquences- au travers des deux destins les plus éloignés qui soient, celui d'Hitler tel que nous le connaissons et celui d'un Hitler artiste, heureux, épanoui. Comment ils vécurent, comment ils aimèrent et moururent ? Il n'est pas question de vraisemblance ici. Schmitt interroge les choix que nous faisons, et ceux que la vie fait parfois pour nous, sans angélisme ni manichéisme.

On est transporté d'un bout à l'autre du livre ; on est d'abord plein d'entrain pendant l'adolescence des deux jumeaux et puis on commence à souffrir avec chacun d'eux, à espérer pour eux, à se réjouir et craindre pour le bon et à suivre, médusé, la progression inexorable du mauvais. A travers ces deux êtres, c'est chacun d'entre nous que Schmitt questionne : qui es-tu vraiment, qui pourrais-tu être, qui vas-tu devenir ? L'auteur nous promène au fil des chapitres et des âges comme pour nous montrer : « Là, il pouvait encore changer. »

A travers l'histoire du héros (le bon!), Schmitt aborde aussi le thème de la création artistique et des épreuves et questionnements qui en découlent. Sans apporter de réponse ni creuser le sujet à fond, cette thématique, traitée par un écrivain renommé est toujours intéressante. On imagine que les doutes du Hilter-peinte peuvent être ceux de l'auteur-Schmitt.

En prime, dans les Editions Le Livre de Poche, on trouve des extraits du journal que tenait Schmitt pendant la rédaction du livre. Il y raconte comment il entre dans la peau de ses personnages.

Mais, même pour la bonne cause, qui voudrait être dans la peau de Hitler ?

Terrifiant.

Lire d'une traite et puis vite refermer, marcher longtemps au grand air.

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