(Un nouvel article pour le délicieux 3petitspoints magazine ♥, sur Petra Collins. Enjoy it.)
Petra
Collins est une jeune photographe et créatrice de mode d'une
vingtaine d'années vivant à Toronto, dont le travail traite avant
tout du corps des femmes, partout présent dans ses clichés, mais
défait du soucis de beauté canonique qui l'accompagne bien souvent.
Loin d'une vision conventionnelle de l'esthétique de ses modèles
féminins, elle se démarque en photographiant ses sujets dans une
vie quotidienne qui ne masque ni les bleus sur les jambes ni le
maquillage qui coule, ni les moments les moins glamours.
Au
travers de sa série de photos The Teenage gaze, Petra Collins interroge ou révèle des instants d'intimité de la vie
d'adolescentes à ce moment critique où l'on passe de fille à
femme.
On
trouve dans ces photos des sous-vêtements, des téléphones
portables, des brosses, des tubes de rouges à lèvre et beaucoup de
miroirs. Des filles qui se regardent, toisent leur propre image, se
maquillent, se questionnent peut-être, exactement comme si la
photographe n'était pas là.
Ce
qui transpire de ces photos c'est une esthétique au plus près de
l'être qui, plutôt que de le mettre en scène, le laisse évoluer
dans son milieu, en cours, dans les soirées, entre amis, et qui en
capte tout à coup la singularité. Les modèles de l'univers de
Collins ont cet air de force et de fragilité mêlées, de grande
solitude au milieu des foules, assez caractéristiques de
l'adolescence et du sentiment qu'apporte la découverte de soi-même
en tant qu'individu singulier.
Ici,
un mélange d'enfance et de féminité, les corps qui s'habillent ou
se dévêtent, interrogeant la sexualité, la sensualité, le désir
et tout ce qui forge une identité sexuelle et amoureuse.
On
pense à Virgin Suicides de Sofia Coppola en faisant défiler les
photos de The Teenage gaze, tant Collins a su capter les regards et
les lumières, et cette atmosphères vaporeuse mais toujours au bord
de l'implosion. Et parfois d'une grande simplicité, ces images n'en
sont pas moins porteuses de mystères et de profondeurs, comme celle
de cette jeune fille dans une voiture, et dont les yeux se perdent
dans le vague.
A
quoi pense-t-elle, on se demande. A quoi pensent-elles, quand elles
observent le monde qui s'étend devant elles, depuis un balcon ou une
fenêtre ? A quoi pensent-elles, assises dans une chambre enfumée,
seules, en mini-short au milieu des objets de leur enfance, qui n'ont
pas encore tous quittés la pièce?
Cette
série de photos rappelle les longues heures passées à attendre que
la vie avance et s'accélère, que quelque chose émerge de
nous-mêmes et des autres.
Et
si les sujets ne posent pas, ne fixent pas l'objectif, on perçoit
quand même qu'un regard pèse sur elles, un regard
intériorisé, celui d'un homme à qui il faut plaire peut-être,
ou celui de la société toute entière: être belle, être féminine,
être.
Car
Petra Collins est photographe, mais photographe ouvertement
féministe, prônant la reconquête du corps des femmes par
elles-mêmes, et on ne peut envisager ses clichés sans penser à
l'angle militant qu'ils peuvent avoir. La réponse à la question
floue et polymorphe qui naît de cette série (attente, solitude,
féminité...) pourrait donc être: fais-le toi, deviens ta propre
réponse, aime toi-même ton corps.
Il est à noté d'ailleurs que Petra Collins s'est récemment faite remarquée par son travail avec Alice Lancaster, en créant une polémique autour d'un tee-shirt qu'elles ont fabriqué pour la marque de vêtements American Apparel. Le sujet de la polémique ? Euh. Voir le tee-shirt suffit à comprendre que les réactions furent vives et nombreuses.
Et un entretien en français à propos du fameux ticheurt.
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