(( Article paru dans le 3petitspoints de mars. ))
Il faudrait sans doute inventer un
terme, et peut-être existe-t-il déjà, mais je ne le connais pas.
Inventer un mot qui désignerait cette nouvelle littérature qui
mélange écriture et graphisme. Peut-être littéraphisme ?
Peut-être graphiture ? En tout cas il faudrait que ce mot sonne
bien, qu'il soit imagé et qu'il en dise beaucoup en très peu de
signes.
Le littéraphisme donc, c'est
l'exercice de style auxquels se prêtent des artistes de plus en plus
nombreux, héritiers de la micro-nouvelle, puis de la twittérature,
qui allient un aspect graphique à des phrases ou segments de
phrases, recréant en quelques mots une histoire, une situation, un
paysage social. La forme ultra concise doit délivrer un message,
être percutante voire choquante.
Et la forme visuelle quant à elle
permet d'identifier le littéraphiste, chacun ayant ses couleurs, ses
formes, sa police, bref son style.
Petit tour d'horizon non-exhaustif de
ces fables contemporaines...
Adieu et à demain nous parle
d'amour souvent impossible, de mélancolie acidulée d'un brin de
cynisme, créant des antagonismes et des jeux de mots 2.0. Benjamin
et Isidor Juveneton (les types louches et légèrement shizos qui se
cachent derrière cet univers aigre-doux) associent souvent photos,
fragments de dialogues, définitions redéfinies, pour questionner
l'amour et le monde. Artistes aux multiples facettes donc !
Les Cartons, quant à eux, sont
plus provocants, souvent graveleux. Le mystérieux Monsieur Lagarce
réinvente pour nous ravir des insultes et des formules qui aurait
fait frémir les Onze mille verges d'Appolinaire, le tout en larges
lettres blanches sur fonds colorés, parfois l'inverse. Si l'on
grimace parfois face à ses « Éponge à foutre », on ne
peut malgré tout s'empêcher de rire et de trouver qu'au milieu de
toute cette pornographie virtuelle, il y a pas mal de perles. Âmes
sensibles s'abstenir !
Pour les plus délicats on peut
recommander Formule140, dont la singularité graphique repose
sur une écriture manuscrite à l'encre noire -genre BIC- qui vient
marquer des mouchoirs en papier blancs. Ici l'auteur interroge le
lecteur, révèle des oppositions, des questions existentielles par
le biais d'un jeu sur les mots, les sonorités, l'orthographe. Regard
aigüe et tendre sur notre monde contemporain comme en témoigne ses
« Shopping, cueillette des temps modernes » ou « Je
rêve d'une licence en géographie de ton corps ».
Et pour finir, on ne peut oublier les
inénarrables Paye ta shnek, en bleu, rose et blanc, qui
rapportent telles quelles les « tentatives de séduction en
milieu urbain ». Ici la création n'est pas dans ce qui est
écrit (quoique parfois...!), mais dans le fait d'écrire, de
retranscrire ces phrases entendues dans la rue. Entre militantisme
contre le harcèlement de rue, et regard goguenard sur l'absurdité
des propos rapportés, Paye ta shnek nous offre une dose d'humour et
de surprise effarée à chacune de ces nouvelles tentatives : ça
peut pas exister des types qui disent ça ! Si ça existe, et en plus
ils sont nombreux vue la multiplicité de ces courtoisies
contemporaines.
Si ces nouvelles formes d’expression sont nées sur Internet, le succès de certains artistes est tel que des livres, compilant leurs créations trouvent à se faire éditer et que l’on peut se les procurer non pas en e-book mais bien en version papier, dans la plupart des librairies. C’est en tout cas possible pour notre dernier exemple, Paye ta shnek, et Adieu et à demain proposent quant à eux leurs produits à la vente, histoire de donner une petite touche piquante aux murs de nos chez-nous.
Pour en savoir plus et suivre ces artistes, pas de soucis, ils sont bien sûr ultra connectés. Vous pouvez les retrouvez sur les réseaux sociaux ou sur leurs sites :
Adieu et à demain
Les Cartons
Formule140
& Paye ta shnek !
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